P2
PAIN
«PAPUS»
PARFAITE UNION
PAVÉ MOSAIQUE
PAYS-BAS
PAYS-BAS AUTRICHIENS
PEINTRES
P2
Propaganda Massonica est fondée en mars 1877 par le Grand Maître Giuseppe Mazzoni*, dans le but d'affilier les personnalitéS qui ne pouvaient pas fréquenter avec régularité les séances de travaux de loge* et de doter la maçonnerie d'une « rente de prestige et de crédibilité» susceptible de favoriser son développement. Des hommes importants du monde de la politique et de la culture sont membres de cette loge: Giosuè Carducci*, Agostino Depretis, Francesco Cispi, Giovanni Bovio, Aturelio Saffi et bien d'autres endossèrent le tablier de maître* au sein de Propagande Massonica.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale elle reparaît comme un espoir de lumière prestigieuse dans la reconstruction du Grand Orient d'ltalie. On lui donne le numéro de matricule 2 (d'où son nom de P2) lorsque la Grande Maîtrise, adoptant ce qui se faisait dans les obédiences* de nombreux pays, numérota les loges de l'obédience. La charge de maître vénérable* fut confiée au Grand Maître et tous les membres du Conseil gouvernemental y sont admis d'office. En 19 967, le Grand Maître Giordano Gamberini transfert Licio Gelli, alors directeur d'une entreprise de matelas à Frosinone, de la Loge Romagnosi à la P2. En 1971, le nouveau Grand Maître, le médecin toscan Lino Salvini nomme celui-ci secrétaire de l'organisation de la loge, une charge non prévue par les Constitutions ou les Règlements du Grand Orient*. Le Grand Maître Salvini justifie la chose dans une lettre aux membres de la P2 dans laquelle il explique que cette nomination avait été rendue nécessaire «... pour renforcer davantage secret de couverture indispensable afin de protéger tous ceux qui, pour des motifs particuliers et déterminés, inhérents à leur statut, doivent rester cachés...Grâce à cette charge, Gelli,vif et plein de ressources, dirige la loge selon des critères qui n'avaient rien à voir avec les principes maçonniques.
Les rapports entre le Grand Maître et Gelli sont tendus et de nombreuses voix s'élèvent dans l'obédience pour dénoncer les déviations de la P2 et de son secrétaire. La Grande Loge extraordinaire de Naples de 1974 décrète alors la dissolution de la P2 en tant que Loge de couverture et de réserve et sous l'accusation de trafics illégaux à charge de Gelli. Pourtant, l'année suivante, le Grand Maître Salvini accorde une nouvelle « Bulle de constitution » assimilant, de fait, cette loge à toutes celles de l'obédience. La différence essentielle est son gouvernement autonome, sa juridiction nationale et son indépendance par rapport aux normes communes. Gelli devient maître vénérable et «père patron » de ce qui est. de fait, un cercle privé qui se transforme peu à peu en un cercle d'affaires et de combines. La lettre qu'il écrit aux membres de la P2 le 24 mai 1975 est significative. On peut y lire «.. qu'une nouvelle forme d'organisation interne est nécessaire dans le but d'adopter l'institution aux nécessités contingentes et de l'amener à un niveau plus élevé d'efficacité opérationnelle....» Gelli fait s'agrandir la loge qui échappe désormais au contrôle des organes statutaires du Grand Orient d'ltalie, par le biais d'abus, de complicités, de complaisances et du chantage. Nombreuses sont les charges d'accusation présentées par les frères de l'obédience inquiets de la croissance de ce monstrum en dehors de l'Ordre*. Interrogé par les magistrats de Bologne en 1977 sur le problème des listes de la loge. Gelli affirme qu'il y a une double liste: la liste officielle qui comprend un nombre restreint de noms et la liste réservée, beaucoup plus riche. Gelli affirme que, de cette liste, « ne font pas partie les frères affiliés pour ainsi dire à l'oreille du Grand Maître, car ils ne font partie d'aucune liste et cela pour des motifs d'extrême réserve. Seul le Grand Maître connaît ces noms... "
Le 17 mars 1981 Gelli s'étant absenté d'ltalie, la magistrature effectue une descente à Arezzo, dans la villa Wanda, la résidence de Gelli.
Une liste secrète est confisquée liste inconnue des chefs du Grand Orient-qui n'avaient entre les mains que la liste officielle comportant 49 noms, le nombre des adhérents supposés de la P2 se montait à 953.
Le monde politique s'empare du scandale, le grossit outre mesure, et il l'utilise jusqu'à créer un nuage de fumée qui continue encore aujourd'hui à polluer la vie politique italienne.
En novembre 1981, la Cour Centrale maçonnique présidée par un médecin et homme politique sarde, Armando Corona, devenu Grand Maître, expulse Gelli de l'Ordre. La P2 est dissoute. Une commission d'enquête parlementaire et la magistrature approfondissent et élargis sent les recherches. Il y avait dans la loge P2 des hommes de premier plan de la politique, de la finance, du journalisme, de la culture des forces armées et de l'art. Beaucoup d'entre eux, dont l'intégrité est indiscutable, ont payé chèrement une appartenance qui, souvent, n'a pas été prouvée.
Les résultats négatifs d'une campagne anti maçonnique* montée de toutes pièces pour démontrer que la P2 s'assimilait à toute la maçonnerie italienne, sont dévastateurs pour le Grand Orient lui meme. À l'étranger, l'affaire P2 n'a jamais été pleinement comprise et, en Italie, l'opinion publique est restée divisée. Une partie d'entre elle a surtout considéré la loge P2 comme un centre de conspiration contre l'état, comme une structure qui pouvait intervenir lourdement dans la vie de la République-affirmation qui fut ensuite rejetée par les juges, qui fut chargée de toutes les fautes et des mystères non résolus des vingt dernières années. Une autre partie de l'opinion considéra, plus justement, que c'était un centre important, bien que sordide, de combines et d'affaires destiné à enrichir quelques individus Gelli en premier lieu. Son expulsion et la dissolution de la P2 ont été des actes nécessaires.
L'affaire P2 a démontré encore une fois que la maçonnerie ne peut vivre en paix que si elle respecte ses propres buts dont la base est le travail sur la pierre* brute, pour tenter de se connaître soi-meme et rechercher la vérité. La P2 ne peut donc pas être considérée comme étant franc-maçonne.
F.R.
PAIN
Tout le monde a en mémoire le texte de Genèse 3, 19 («À la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain jusqu'à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré »).
Le pain, pour les peuples qui introduisent des céréales dans l'alimentation, a une fonction symbolique, rituelle et magique très forte.
Sel* et pain sont encore parfois des marques d'hospitalité, et le compagnon* (companio), tout comme le « compain» de jadis était bien ce proche avec qui s'effectuait le partage du pain.
Avec l'eau, le pain constitue aussi le menu royal dont se satisfait le sage qui a su se départir des plaisirs vains.
Un mot emprunté à l'hébreu, schiboleth, intervient à un moment du rituel maçonnique.
Il signifie, de façon imagée, « nombreux comme les épis de blé » et l'épi de blé, symbole de cette abondance, est parfois représenté dans l'atelier auprèS d'une chute d'eau.
Dans le cabinet de réflexion*, le pain et l'eau rappellent le menu classique des prisonniers du cachot mais ils sont également nourriture des morts lors de leur voyage, dans les mythes de l'ancienne Égypte*.
Le grain de blé, dont la germination dans la terre n'aboutit à la floraison qu'aprés une période de mort de la nature, peut aussi symboliser divers moments d'un rite* purificatoire.
L initié, dans le Rite Écossais connaît quatre épreuves d'inspiration hermétiste: le grain de blé germe en terre; plus tard, séparé de l'épi, broyé par la meule, il devient farine; additionnée d'eau et du levain qui l'aère, la pâte va subir l'action du feu pour donner un pain qui sans cela ne serait que croûton sec.
L'épreuve de la terre est justement nommée, car c'est dans la terre que s'opère le travail silencieux qui transforme le grain en épi, grâce à l'eau et à l'ardeur du soleil. Déméter, dans les anciens Mystères, avait confié à Triptolème, fils du roi d'Éleusis, un épi de blé dont il devrait faire le meilleur des usages pour la survie des hommes.
Dans certains rites qui incluent la tradition des loges* de table chacun rompt son pain (la pierre brute) qui, partage avec le voisin accompagne les matériaux (les autres mets). Dans des hauts grades*, au Rite Écossais Ancien et Accepté*, la cène est meme célébrée avec vin et pain posés sur une table.
Le pain est également offert à l'enfant adopté par une loge, ainsi qu'à son parrain, pour symboliser nourritures du corps et de l'esprit, mais aussi fraternité et solidarité propres à la maçonnerie.
Vl. B.
« PAPUS »
[ENCAUSSE, Gérard Anaciet Vincent (La Corogne, 1865-Paris 1916)]
La mort de Gérard Encausse mieux connu sous le nom de Papus termine « un cycle dans cette partie excentrique de la science beaucoup louée, beaucoup blâmée... qui s'appelle de bien des noms faute d'un seul qui englobe sa diversité, hermétisme, gnose initiation* magie, dont Papus fut le vulgarisateur infatigable ».
Le jugement est de Péladan*. Pour que l'équité rejoigne la justice Papus fut aussi le rénovateur de l'occultisme.
Qu'est ce que l'occultisme ? Papus a répondu, sous ce titre, en 1900, dans la « meilleure » de ses brochures, disait-il.
L'occultisme est la justesse du Verbe sur tous les plans, l'Occulte est l'invisible réel derrière le Visible apparent et analogue
Ne en Galice, de Louis Encausse, chimiste ,français et de son épouse une gitane d'Espagne, Irène Pérez-Vierra, Papus fréquente le collège Rollin puis fait sa médecine, avec l'intemède du service militaire.
Puis il est externe au Bureau central, puis chef de laboratoire du Dr Luys à la Charité docteur en 1894 marie de façon éphémère, mais sans divorce, en 1895 avec Mathilde Inard d'Argence, veuve Theuriet; puis il exerce la médecine et, en concurrence une mystagogie de toutes variétés, toutes très honorables.
Il voyage à Londres à la tête d'une délégation française à l'international Congress of Spiritualists de 1898, et en Russie (1901, 1905, 1906).
Il tirera son pseudonyme, nom du génie de la médecine pour peu de temps précédé de Jacques du Nuctéméron attribué à Apollonius de Thyane .
D'abord matérialiste (il l'était, de son propre aveu, à la mort de Delaage censé l'avoir initié au martinisme*), il découvre l'occultisme en 1885 à la Bibliothèque nationale: Lucas, Wronski, Christian Lévi, Lacuria, Cyliani. Ses «études mystiques » commencent. Après l'hypnotisme la magie; après la magie, le christianisme du cœur, avec le conseil d'un ami de Dieu: M. Philippe, de Lyon (1849-1905). M. Philippe est son maître spirituel Saint Yves d'Alveydre son maître intellectuel et Peter Davidson, de la Hermetic Brotherhood of light, son maître de pratique occulte.
Possédant une intelligence qui assimile tout et déduit des conclusions accessibles à tous, immense travailleur, peu esthète, ayant une volonté acharnée, il est tout acquis à la cause du spiritualisme compatissant et généreux. Après la lutté pour la vie, Papus suit la loi du sacrifice, en jouant le bon vivant.
Papus avoue, lors d'une conférence publique, avoir la « maladie » de fonder des associations.
Ainsi, dans le genre initiatique (car il y en eut de commerciales) il crée l'Ordre kabbalistique de la Rose Croix* (1888, en collaboration avec Guaita et Péladan); le Groupe indépendant d'études ésotériques (1889), L'ordre martiniste (1891), la FTL (Fraternitas thesaun lucis, 18972, L'école Hermétique, assez mouvante.
A la loge* parisienne de la Colden Dawn, il ne vint que le jour de son initiation au premier degré (1895).
Papus se conduit en franc-maçon mais où a-t-il reçu la lumière*, et l'a-t-il meme reçue dans les formes requises?
On ne sait.
Pourtant, à partir de 1887, il s'intéresse à la maçonnerie, et adhère à la Société Théosophique* dont il se sépare avec fracas en 1890.
Le premier numéro de L'initiation inclut un article sur le symbolisme maçonnique. Papus rassemble et fort bien, Ce que doit savoir un maître maçon (1910).
Son chapitre INRI et sa loge Humanidad sont bien siens tous les deux, et hébergeront un Rite dit Swedenborgien*, un Rite National Espagnol et, à partir de 1908, le Rite de Memphis-Misraïm dont Papus fut Grand Maître jusqu'à sa mort.
Avec le Grand Orient de France* et avec le Rite de Misraïm, les rapports sont détestables ce dernier rite rejette sa candidature par deux fois en 1896 et 1897. Avec la Grande Loge de France*, ils furent neutres, quoique, et Misraïm intervenant, il eût à essuyer un refus, le 12 juillet 1899, après une attente de deux heures dans le cabinet de réflexion*.
Avec piété, Philippe Encausse (1906 1984), le fils que lui avait donné « maman Jeanne » (Jeanne Charlatte, veuve du magnétiseur André Robert, mort en 1895), obtint de bâtir sous les auspices de la meme obédience*, une loge intitulée Papus (1952) et une loge intitulée Gérard Encausse (1978).
Le Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien Accepté* concéda un droit d'intervisite aux membres du Suprême Conseil martiniste en 1894, mais, en 1899, il n'en était plus question.
Papus se servit de quelques rites marginaux et d'ordres initiatiques extra maçonniques en droit et para maçonniques en fait afin de servir l'occultisme qui réhabiliterait la franc-maçonnerie* et délivrerait une société en esclavage idéologique divers. Les amalgames et les ruptures, les changements de nom et de contenu furent la seule constante dans la frénésie d'activité de cet affairiste aux intentions droites. Fuyez avisait Papus, toute association où l'argent et le pouvoir priment et où la prière n'est pas au centre.
Deux revues principales rendent l'écho des efforts de Papus et les appuient: L'initiation (octobre 1888 devenue Mysteria en 1913-1914), Le Voile d'lsis (1890 1898; 1905-1914).Un volume parmi des dizaines, le préféré de Philippe Encausse: Traité méthodique de science occulte (1891).
Gérard Encausse s'est expliqué lui-meme: 11 faut bien que quelqu'un se dévoue pour monter sur l'estrade. " Papus s'est dévoué et son boniment vérace a porté.
R.A.
PARFAITE UNION
(La) (Deux siècles de vie maçonnique en province.)
Dès 1744, selon le manuscrit de Charles Louis Journal, une loge* maçonnique existerait à Rennes sous le vénéralat de Vatry, officier de marine stuartiste. Cependant, la liaison avec la première loge connue, La Parfaite Union, n'est pas certaine et la date de fondation de celle-ci ne peut d'ailleurs être affirmée formellement. Fondée le 24 juin 1748 selon la tradition, on sait seulement que la loge obtient ses constitutions en 1758. Quoi qu'il en soit, après La Française (Bordeaux*), L'atelier rennais est bien l'un des plus vieux ateliers provinciaux. Encore actif aujourd'hui, ses 250 ans d'histoire résument en province comme la destinée des Frères Unis Inséparables* à Paris, les événements rencontrés par les adeptes de l'Art royal*. La Parfaite Union réunit initialement robins négociants, représentants des talents, clercs et nobles. Parlementaires pour quelquesuns, ceux-ci regroupent des hommes comme Pinczon du Sel des Monts (1712 1781) qui après avoir fondé en 1742 une manufacture d'indiennes se voit accorder une gratification de 5 000 livres par les États de Bretagne parce qu'« il a eu le courage de vaincre les préjugés de la noblesse de se livrer au commerce et d'établir des manufactures ».
Jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, la loge connaît l'évolution des orients provinciaux, caractérisée par les tensions internes et les scissions dans lesquelles la pratique des hauts grades* joue son rôle. Ainsi des membres de cette loge la quittent pour fonder en 1772 La Parfaite Amitié, d'autres en 1775 L'Égalité, et leur chef de file, le juge au présidial Michel-Ange Bernard Mangourit du Champ Daguet (1752-1829), s'attribue la paternité du Rite des Sublimes Élus de la Vérité, antérieur à ses débuts en maçonnerie. Cependant, le 27 juillet 1789, les ateliers s'unissent en une éphémère loge Union-Amitié pour « un acte de bienfaisance ».
La Révolution* sépare les frères. Parmi les représentants aux États Généraux on note Isaac Le Chapelier (1754-1794) ancien orateur de l'atelier, corédacteur avec Barnave du Serment du Jeu de paume et président de l'Assemblée nationale lors de la nuit du 4 Août et Varin de La Brunellière (1752-1793) condamné à mort pour cause de résistance à la Montagne. Parmi les célébrités, on doit aussi ci ter le général Moreau (1763-1813), le vainqueur de Hohenlinden, figure de proue de l'opposition au Directoire puis au régime napoléonien. Prévôt des étudiants en droit, il est. lors des jouées pré-révolutionnaires du début de 1789 un des chefs de file des étudiants rennais soutenant le Parlement de Bretagne contre la Cour. En 1810, dans son exil, voulu par Napoléon, aux États-Unis, la loge ne l'a pas oublié: il figure alors parmi les frères absents sur le tableau*. On doit aussi mentionner Charles François Duval de la Bréhonnière (1750-1829) et Joseph Marie Sevestre de la Mettrie (1753-1846). Fidèles au titre distinctif de leur ancien atelier, L'egalité, ils votent à la Convention la mort du roi.
C'est le 24 juin 1797 que la loge reprend ses travaux sous la direction de l'ancien procureur François de Malezieux, vénérable à plusieurs reprises avant la mise en sommeil en 1792. Rassemblant une vingtaine de frères issus des anciens ateliers rennais et des affiliés venant d'orients divers, la loge accueille le vainqueur de Brumaire avec enthousiasme: elle compte d`ailleurs en moyenne 150 membres sous l`Empire. Ensuite, elle passe le cap de la Restauration en donnant des gages au nouveau régime. Pourtant, le ralliement est de pure façade et, après avoir considérablement chuté (25 frères), le nombre des adhérents double durant les années marquées par la réaction ultra. Les nouveaux initiés sont des notables acquis au libéralisme* politique.
Fidèle Marie Gaillard de Kerbertin (1789 1845) est une figure très représentative de cette génération: avocat renommé ayant soutenu Napoléon lors des Cent-Jours et ravivé le mouvement fédératif breton que Moreau avait suscité en 1790, avocat général près la Cour de Rennes en juin 1815, il entre en loge au moment de sa révocation par Louis XVIII. Vénérable à partir de 1825, ses quinze années d'opposition au régime, ponctuées par une résistance aux ordonnances de juillet 1830, lui permettent de devenir Premier Président de la Cour d'appel de Rennes. Député, il est régulièrement réélu jusqu'en 1842 et il préside aussi le conseil général d'îlle-et-Vilaine de 1832 à 1844. Législateur consciencieux à Paris, il est en Bretagne à l'origine de la création du bassin à flot de Saint-Malo, de la route passant par le centre de la province, et des premières études qui aboutiront à l'implantation du chemin de fer. Quelques mois avant sa disparition, il est nommé pair de France par Louis-Philippe. Sous le Second Empire*, cette loge de notables est l'un des ateliers les plus savants et les plus acquis aux tendances « spiritualistes » du Grand Orient*. Son secrétaire, Achille Jouaust*, avocat près la Cour impériale, publie en 1865 une Histoire du Grand Orient de France restée célèbre.
À la fin du siècle, la composition et les préoccupations de la loge changent. L'arrivée du chemin de fer permet de recruter hors de Rennes plus de la moitié des 100 membres de la loge. Ils viennent de Saint-Malo, Vitré ou Fougères. Ce sont des instituteurs, des employés, des commerçants. Politiquement, si des dissensions amènent la création d'une loge concurrente, La Libre Conscience, de 1894 à 1897, l'atelier s'engage dans la lutte politique en se montrant anticlérical. Ses vénérables Isidore Louveau professeur à l'école de médecine, et Mars Abadie, professeur à l'école nationale d'agriculture, rédigent ainsi, à la demande du Grand Orient, les 1, rapports " commandés par le général André sur les officiers des régiments stationnés en Ille et-Vilaine et dans les Côtes du Nord. Cela vaut à l'atelier d'etre attaqué directement en 1906 lors de l'affaire des Fiches*. Plusieurs membres ont fait partie aussi, en 1898, des fondateurs de la section rennaise de la Ligue des Droits de l'Homme*. Quant au dénouement de l'affaire Dreyfus* rejugée à Rennes en 1899, il est l'objet d'une fête, organisée par Mars Abadie (1906).
Le premier conflit mondial met la loge en quasi sommeil puis, en 1932, la générosité d'un frère permet de construire le temple* actuel: la loge compte alors 175 membres. Ce succès aurait-il conduit l'atelier à adopter une attitude ostentatoire inhabituelle ? En effet, sa présence affichée en ville est contraire à la discrétion traditionnelle: une façade, décorée d'une mosaïque égyptianisante, porte le titre distinctif « La Parfaite Union », en clair et en caractères maçonniques. L'intérieur est orné de six grandes œuvres murales symboliques peintes par Maurice Renault. L'immeuble est récupéré sans trop de dégâts en 1944, mais plusieurs membres de l'atelier ont payé de leur vie cette période noire, comme Honoré Commereuc, mort en déportation. Il se trouve cependant autour de Mars Abadie, de nouveau vénérable, une vingtaine de frères pour reconstruire le temple. À partir des années 1970, la loge accompagne l'essor du Grand Orient de France et elle donne naissance à trois loges filles: Tradition et Progrès (1973), Gaia (1991), et Confluence (1997).
D.K.
PAVÉ MOSAIQUE
C'est un pavé rectangulaire, constitué de carreaux noirs et blancs figurant sur le sol de la loge*. Selon les rites* pratiqués, sa disposition est différente. Dans les rites se réclamant des Modernes*, notamment le Rite Français* et le Rite Écossais Rectifié*, le pavé mosaïque recouvre le sol du porche du temple* . situé en haut des sept marches qui sont gravies progressivement par le maçon au cours de sa progression spirituelle dans l'Ordre*. Dans les rites se réclamant des Anciens*, la situation est différente. C'est ainsi que, dans le Rite Émulation*, le pavé mosaïque constitue le sol de la loge sur lequel évoluent les frères. Les planches tracées (qui équivalent au tableau* de loge des Modernes) représentent l'intérieur du temple de Jérusalem*, entièrement composé de carreaux noirs et blancs, tandis qu'au Rite Écossais Ancien et Accepté* le pavé mosaïque figure sur le tableau de loge, devant l'entrée du temple. De plus au centre de la loge, dans un espace défini par les trois grands chandeliers, se trouve délimité un morceau de ce pavé. Au cours des cérémonies, les frères évitent de le fouler au pied.
Le Rite Français le considère comme Un des « ornements » de la loge comme « l'emblème de l'union intime qui doit régner entre les maçons ». Le rituel indique en plus que «le pavé mosaïque ornait le seuil du grand portique du temple » Le Rite Émulation nous enseigne que» le pavé mosaïque peut être justement considéré comme le merveilleux dallage d'une loge de francs-maçons en raison de sa diversité et de sa régularité. Ceci fait reSsortir la diversité des êtres et des objets danS le monde aussi bien ceux qui sont animés que ceux qui ne le sont pas ». Plus join, le pavage est décrit comme un des ornements d une loge de maîtres* maçons et comme étant « destiné à être foulé par le grand prêtre ». Les Lectures Émulation donnent une semblable définition, en faisant remarquer que cette mosaïque a été introduite en franc-maçonnerie* parce que « l'homme portant ses pas au hasard de la vie, et ses jours étant successivement marqUéS par des événements étrangement contradictoires. son passage dans cette existence. bien que parfois favorisé de bonheur est souvent accompagné d'une foule de maux. [...] Et, tandis que nous marchons sur cette mosaïque, nos pensées retournent vers la réalité qu'elle symbolise ».
Il semble que ce soit, dans Masonry Dissected, la divulgation de Samuel Prichard (1730) que, pour la première fois, on mentionne la présence d'un tapis à damiers.
Les origines possibles sont bibliques, avec l'existence d'un pavage particulier dans le saint des saints du temple de Jérusalem qui ne pouvait être foulé aux pieds par l'homme, exception faite par le Grand Prêtre le jour du Kippour.
Les usages du Rite Écossais Ancien et Accepté sont, dans cette perspective les plus conformes aux Écritures.
Mais elles peuvent être opératives, si on suit les anciens catéchismes* maçonniques et en particulier ceux qui parlent d'un square pavement destiné au maître pour tracer ses plans.
Le manuscrit Wilkinson (1727) dit ainsi: « Le pavé mosaïque [...] pour que le maître y trace ses plans. » De meme, dans La Confession d un maçon (1727), on mentionne « un pavement d'équerre* [...] pour que le maître maçon y trace ses plans au sol ».
Certains considèrent le pavement comme le sol de la loge.
Ainsi, dans Masonry Dissected (1730), déjà cité, « le pavé mosaïque est le sol de la loge ». Il y a ici la possibilité d'un tracé directeur de l'édifice à construire situé devant la loge ou le quadrillage d'assistance technique. La « chambre du trait » (trasing house, en anglais) en est un exemple.
J.-Fr. B.
PAYS-BAS
(1795-1999) L'histoire de la franc-maçonnerie* dans ce pays commence dans le cadre politique constitué par les Provinces-Unies*.
Les guerres révolutionnaires et l'arrivée des armées françaises mettent un terme à leur existence et ouvrent une nouvelle période. En 1795 l'armée française, après un premier échec du à l'action de Carel de Boetzlaer, le Grand Maître de l'Ordre* qui, dirigeant les troupes armées, l'a battue, envahit les Pays Bas, oblige Guillaume V à fuir et fonde la république batave. En 1804, Napoléon place Louis Bonaparte* à la tête du nouveau royaume de Hollande; il le reste jusqu'en 1810, date à partir de laquelle le royaume est directement annexé à l'Empire* français. Pendant cette période la maçonnerie néerlandaise choisit Isaac van Teylingen, maire de Rotterdam et Député Grand Maître depuis 37 ans, comme Grand Maître. Malgré la présence française, la maçonnerie néerlandaise préserve son indépendance, Ainsi, la Grande Loge Nationale Écossaise, reconstituée en 1803 fixe un rite* seulement proche du Rite Français*. Jusqu'en 1813, l'influence française reste très faible et, après l'annexion, seulement 9 loges françaises sont fondées aux Pays Bas. En 1812, le Grand Orient de France*, qui a cru le moment venu d'incorporer les loges du Grand Orient de Hollande dans son giron, voit la déclaration qu'il rédige à cette fin rejetée. Le Grand Orient de Hollande écrit au Grand Orient de France qu'il a été décidé de continuer comme si le décret du Grand Orient de France n'existait pas. À la veille de l'effondrement de l'Empire, le Grand Orient de France ne peut que l'accepter et l'indépendance politique recouvrée la loge* Saint-Napoléon obtient la permission du nouveau roi Guillaume 1er de changer son nom en Willem-Frederik. C'est le signe de l'arrivée de temps nouveaux marqués notamment par la tentative d'union des maçonneries dans tous les Pays-Bas sous l'autorité des princes d'Orange*. En effet, ceux-ci ont obtenu au Congrès de Vienne la restitution de leurs territoires et le contrôle sur les anciens Pays-Bas autrichiens* dans le but d'endiguer l'influence française.
La stratégie de fusion des maçonneries néerlandaise et belge fait partie intégrante d'une politique permettant de détacher les loges du Sud » de la sphère d'influence du Grand Orient de France.
À cette fin, on offre la Grande Maîtrise de l'ordre au prince Frédéric le deuxième fils du roi qui a combattu comme général de division contre Napoléon.
Il est intronisé Grand Maître en 1816. Cependant, l'union étant une construction forcée, c'est un échec.
Elle était, en outre, limitée par le fait qu'il restait deux Grandes Loges séparées à La Haye et à Bruxelles avec des codes et des Grands Officiers différents
La découverte de la ,( Charte de Cologne ... document falsifié, issu de l'entourage direct du prince et avec son consentement. pour constituer la base d'un système de hauts grades totalement indépendant. La Section du Degré de Maître*, est la source de nouvelles difficultés. Le document prévoyait la démission du prince, en 1820, de sa fonction de Grand Maître de l'Ordre des hauts grades* du Rite Français pour laisser le choix aux frères entre la Section du Degré de Maître et celui ci. L'indépendance de la Belgique* entraîne la séparation de la maçonnerie, le Grand Orient de Belgique se formant derrière son premier Grand Maître le baron de Strassart et Son député Pierre-Théodore Verhaegen* (qui sera aussi son successeur). De toutes ce s difficultés, auxquelles s'ajoute la réputation de francophilie faite à la maçonnerie néerlandaise, il résulte un déclin de l'Ordre jusqu'en 1835.
À cette date, une convention entre l'ordre symbolique, l'ordre des hauts grades et la Section du Degré de Maître est signée: elle déclare une acceptation mutuelle et interdit à tous les autres ordres maçonniques de travailler aux Pays-Bas. Frédéric accepte la Grande Maîtrise des trois ordres et, dix ans plus tard, réalise la fusion des trois loges à La Haye en une nouvelle loge. Il donne un bâtiment qui sera celui de l'Ordre jusqu'en 1990. Le point culminant du redressement est la fête du dixième lustre de la Grande Maîtrise de Frédéric à l'occasion de laquelle il offre à l'Ordre la bibliothèque de Kloss*. Son long règne (65 ans) s'achève avec sa mort en 1881 et cette date marque la fin d'une période d'essor. La protection royale a rendu l'Ordre attractif pour les notables et l'a préservé des attaques du Saint-Siège*. Notables, maîtres d'école et notaires ont remplacé aristocrates et érudits du XVIIIe siècle et l'atmosphère ludique de la maçonnerie a laissé la place à la solennité calviniste.
De 1881 à 1939, l'histoire de la maçonnerie néerlandaise est essentiellement marquée par,la fondation du Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien et Accepté pour les Pays-Bas (1913), une organisation fille du Suprême Conseil de la Belgique par l'adoption de nouvelles constitutions et lois contenant les articles 2 et 3 avec ladite «déclaration des principes ), de l'Ordre toujours en vigueur (1917), et par les remous liés à l'arrivée aux Pays-Bas du Droit Humain*. En effet, il est représenté à Amsterdam par la loge Cazotte en 1905 pour laquelle les Travaux Dharma (The Dharma Workings) sont traduits en Néerlandais. Van Ginkel, en 1915, écrit des rituels moins théosophiques et moins anglais correspondant mieux à ceux du Grand Orient des Pays-Bas. Une agitation liée à cette adaptation s'ensuit et conduit à l'exclusion de quelques loges. Plus tard lorsque deux loges néerlandaises obtiendront la permission d'utiliser les rituels révisés (1925) par Charles Webster Leadbeater et son ami Wedgwood, « suivant les directives astrales du comte de Saint-Germain » (et destinés à devenir les rituels du Droit Humain en Angleterre), des troubles surgiront entre ceux qui souhaitent utiliser ce rituel « anglais » authentique la direction de l'Ordre aux Pays-Bas qui accepte que des ateliers l'adoptent mais seulement en le modifiant et, enfin, les loges qui ne l'acceptent pas du tout. Toutes ces questions ne sont pas résolues au moment de l'invasion allemande, le 10 mai 1940.
L'evenement ouvre une autre époque: La maçonnerie est interdite et, le 3 septembre les archives* sont saisies avant d'être détruites ou transportées en Allemagne
Par trois fois le Grand Maître Hermanus van Tongeren, a refusé l'offre de s'enfuir en Angleterre et voulut rester avec ses frères.
Pris en octobre, il est déporté à Sachsenhausen dans les environs de Berlin et y meurt cinq mois plus tard.
Dans les colonies*, en mars 1942, L'lnde néerlandaise est tombée aux mains des Japonais et toute l'activité maçonnique coloniale s'arrête.
Beaucoup de frères sont internés ou périssent; c'est le cas du Député Grand Maître pour l'lnde néerlandaise (J. E. Jasper). L'Ordre peut continuer à travailler, seulement aux Antilles néerlandaises, au Surinam et en Afrique du Sud. Le 5 mai 1945, environ 25 % des maçons ont disparu.
La première tâche est alors de reconstituer la mémoire de l'Ordre: la plupart des collections, dont le fonds Kloss, sont retrouvées à Hirzenheim, à 65 km au nordest de Francfort.
Un an après la Libération, plus de 400 coffres avec des livres et des documents arrivent aux Pays-Bas. Si la collection d'objets d'avant la guerre est presque complètement perdue, par une politique d'acquisition active, elle est devenue aujourd'hui l'une des plus importantes du monde.
Les années qui suivent sont marquées par de nombreuses modifications institutionnelles. Aux colonies, la Grande Loge Indépendante de l'lndonésie, Timur, Agung Indonesia, est formée en 1957 et la dernière loge néerlandaise y est fermée trois ans plus tard. En Afrique du Sud aussi, la plupart des loges néerlandaises forment une Grande Loge Indépendante.
L'un des aspects les plus intéressants de l'aprés-guerre est l'introduction d'Ordres anglais, ou d'origine anglaise, travaillant dans un système de hauts grades. Successivement apparaissent le Royal Arch*, les Mark Master Masons, les Knight Templars, le Royal Order of Scotland, L'Order of the Red Cross of Constantine, les Knight Templar Priests, L'Order of Royal and Select Masters (aussi nommé Cryptics) et le Societas Rosicruciana in Anglia.
En 1988, le Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien et Accepté demande à l'Ordre des hauts grades de s'intégrer à lui ou d'accepter qu'il travaille dans les grades 4 à 18 inclus, la Convention de 1913 ,ayant posé comme condition que le Rite Écossais Ancien et Accepté ne travaillerait pas aux dits degrés. Face à une fin de non-recevoir, ce dernier a dénoncé l'année suivante unilatéralement la convention et annoncé qu'il commencerait à travailler dans les grades 4 à 18, ce qui a suscité le départ de beaucoup d'écossais appartenant à ces organisations. Malgré le compromis trouvé trois ans plus tard par la signature d'une nouvelle convention qui donne au Rite Écossais Ancien et Accepté le droit de travailler dans les grades 4 à 18 à la condition que le rituel du degré Rose-Croix* soit différent de celui de l'Ordre des hauts grades, la concurrence entre les ordres de hauts grades se développe et si les frères rose-croix Néerlandais entretiennent des relations avec ceux d'Ordres étrangers, ils n'en ont pas entre eux !
Aujourd'hui, le Grand Orient des Pays Bas compte environ 6 000 membres, répartis en 150 loges. Peu marqué par l'anticléricalisme il a vu venir à lui plus de candidats catholiques après Vatican 11, et la tentative du pape Jean Paul 11 de l'interdire de nouveau n'a eu aucun effet. La faiblesse de l'antimaçonnisme*, son refus de prendre des positions politiques et religieuses et les bonnes relations avec la famille royale expliquent sans doute l'image favorable dont le Grand Orient bénéficie, aussi bien de la part de l'église* que de celle du public. Il publie deux périodiques: Algemeen Maçonniek Tijdschrift (périodique maçonnique général) et Thoth (périodique scolaire).
La Fédération néerlandaise du Droit Humain compte environ 500 membres répartis en 22 loges, dont environ 6 utilisent le rituel « anglais». Elle dispose d'un périodique dont le titre est « Dialogue et perspective » (Dialoog en Perspectief). Par suite d'un différend en son sein concernant l'aspiration du Suprême Conseil à créer l'unité dans les rituels utilisés, deux des loges néerlandaises les plus anciennes de cet Ordre se sont séparées en 1919 pour prendre le nom d'Union Néerlandaise de francs-maçons (Nederlands Verbond van Vrijmetselaren). Cet Ordre mixte, qui travaille aux grades symboliques et au Royal Arch, rassemble une cinquantaine de membres répartis en 3 loges; les relations avec Le Droit Humain sont devenues chaleureuses.
Outre ces deux obédiences* majeures et l'Ordre féminin très original Vita Feminea Textura*, il y a encore quelques autres organisations maçonniques secondaires dont la Grande Loge Néerlandaise de la Franc-Maçonnerie Mixte (Nederlandse Grootioge der Gemengde Vrijmetselarij) née en 1960 et séparée du Droit Humain, qui rassemble environ 150 membres répartis en 6 loges. Cet Ordre est affilié à l'organisation internationale des Ordres maçonniques CLIPSAS et à l'Union Maçonnique Internationale Catena (The International Masonic Union Catena), ses membres sont peu appréciés du Droit Humain qui a interdit à ses membres de leur rendre visite.
On doit signaler en fin l'existence aux Pays Bas du Holland District Grand Lodge N° I du Indépendant United Order of Mechanics, Western Hemisphere Inc. (Friendly Society). Cet Ordre des « Mechanics » né en 1757 en Amérique du Sud est une francmaçonnerie réservée aux Noirs* exclus d,es loges blanches. Elle s'est diffusée aux États Unis*, en Jamaïque et à Londres avant de s'implanter aux Pays-Bas en 1973 à La Haye. Des membres, nés et initiés au Surinam, y ont alors créé la loge Jozua, n° 8 de la Londinium Grand Lodge n° 1. En 1982 les loges (réservées aux hommes) un chapitre* (pour les femmes*) et un Grand Christian Encampment étaient formés dans une Distinct Grand Lodge et, en 1997, l'ordre comptait aux Pays Bas 5 loges, 3 chapitres 2 Grand Christian Encampments et 2 conclaves (un pour les Passés Maîtres des loges et un pour celles des chapitres). Le rite pratiqué est le même pour les loges et les chapitres; il est comparable à celui de la francmaçonnerie, mais il connaît des degrés supplémentaires, en outre leur 6° correspond au 3° de la franc-maçonnerie.
J. S.
PAYS-BAS AUTRICHIENS
Avant la naissance de la Belgique* (1830) les provinces belges étaient, depuis 1714, à l'exception toutefois de l'évêché de Liège, sous la domination des Habsbourg d'Autriche*.
La présence permanente de garnisonS étrangères imposées par le traité de la Barrière et les constants mouvements de troupes que celles-ci suscitent,
facilitent la diffusion de modes et d'idées nouvelles dont les officiers sont avides: la franc-maçonnerie* s'introduit dès le milieu du XVIIIe siècle.
Si La Parfaite Union (Mons) n'hésite pas à faire remonter sa création à 1721 sur la foi d'un document peu probant datant de 1775, les premières traces ne sont avérées qu'à partir de 1765, d'après les procès verbaux de La Parfaite Union, malheureusement détruits entre 1940 et 1945. Le marquis de Gages* devient rapidement la figure de proue de la maçonnerie aux Pays-Bas autrichiens en ambitionnant alors de réunir les loges de ce satellite des Habsbourg sous sa direction et en s'adressant à la Grande Loge d'Angleterre. A côté de ces ateliers, il existe également d'autres loges ayant obtenu des chartes constitutives de l'Angleterre de la Grande Loge* (France), du Grand Orient des Pays Bas* et peut-être même d'Écosse*... sans compter des loges .. sauvages ». La Grande Loge d'Angleterre délivre au marquis une patente de Grande Loge Provinciale pour les Pays-Bas autrichiens le 21 janvier 1770 et le désigne Grand Maître Provincial. Il le sera jusqu'au 26 juin 1786. Aux trois loges qui constituent à l'origine cette Grande Loge Provinciale s'ajoutent 20 nouvelles loges jusqu'en 1786. Joseph 11, devenu empereur en 1780, bien que motivé par un souci de modernisation fondé sur le culte de la centralisation et non sur une animosité à l'égard de la franc-maçonnerie conduit alors à la « disparition » de celle ci puisque un édit impérial limite le nombre de loges à 3 dans chacun des États de l'Empire autrichien. El les doivent en outre obligatoirement se réunir dans les capitales desdits États. Durant cette période, au moins 4 loges sont également apparues dans la principauté de Liège sous l'autorité du Grand Orient de France*: elles rencontrent de la sympathie de la part du prince évêque François Charles de Welbruck, qui a la réputation d'avoir été franc-maçon, notamment la loge La Parfaite Intelligence et les dignitaires liégeois qui en faisaient partie.
Toutes les loges, à l'exception d'une seule loge bruxelloise (Les Vrais Amis de l'union), disparaissent avec les troubles de la Révolution brabançonne puis avec les premiers soubresauts de la Révolution française * . L'invasion, l'occupation et l'annexion des provinces belges par la France, légalisée par le traité de Campo-Formlo le 17 octobre 1797, changent profondément la donne maçonnique car la future Belgique entre dans le giron du Grand Orient de France.
Une vingtaine de loges sont reconnues par celui-ci, dont cinq avaient été fondées sous l'Ancien Régime. Ce sont La Bonne Amitié (Namur), qui est bien la plus ancienne loge belge ayant maintenu une activité assez continue depuis 1770, Les Frères Réunis (Tournai), fondée également en 1770 par la Grande Loge Provinciale des Pays-Bas autrichiens, La Parfaite Intelligence (Liège), qui obtient la reconnaissance* de son ancienneté en produisant l'original de sa charte accordée en 1775 par la Grande Loge de France, Les Vrais Amis de l'union et Les Trois Niveaux, respectivement fondées à Bruxelles et Ostende en 1783 et reconnues par la Grande Loge Provinciale des Pays-Bas autrichiens.
À partir du coup d'État de Brumaire la période qui s'ouvre, de la création de la loge Les Amis Philanthropes à Bruxelles à celle de L'Accord Parfait à Lokeren en 1813, est marquée par le triomphe des tendances centralisatrices: les structures régionales et provinciales disparaissent et, dans les villes importantes où il y a plusieurs loges, les maçons sont en général liés à un groupe social spécifique. A Bruxelles, la célèbre loge Les Amis Philanthropes, qui deviendra après 1815 le refuge des anciens conventionnels (Prieur de la Marne*), rassemble des fonctionnaires et des militaires français à ses débuts, alors que Les Vrais Amis de l'Union est le bastion d'une solide bourgeoisie marchande bruxelloise qui accueille avec méfiance les Français installés dans cette cité où ils détiennent le levier des pouvoirs les plus importants. Une stratification identique est constatée à Gand. En outre, la vogue pour les hauts grades*, trait caractéristique de la période impériale, touche profondément ces départements annexés. La direction des loges est ainsi presque toujours entre les mains de frères revêtues du grade de Prince Rose-Croix*, et 12 loges obtiennent des patentes pour ériger des chapitres*. Elles pratiquent toutes le Rite Français*, dont les cahiers de grades sont disponibles et diffusés par le Grand Orient de France, puis obtiennent sur demande la permission de pratiquer d'autres rites dont le Rite Écossais Ancien et Accepté*. Un Conseil des Princes du Royal Secret, 32° de ce rite, est ainsi créé en 1813 à Bruxelles au sein des Amis Philanthropes. De rares tentatives de coopération régionale existent, mais elles avortent devant le centralisme parisien. De plus, la population semble accepter la pax napoléonica: soldats et officiers de la Grande Armée sont bien reçus et dignement honorés. Le goût des francs-maçons belges pour la célébration des festivités impériales et le culte civil de l'Empereur est d'ailleurs similaire à celui qui s'exprime en France.
M.B.
PEINTRES
Parmi les artistes français, les peintres ont toujours été bien représentés dans les loges* françaises.
François Devosge (Gray, 1732-1811), peintre provincial ayant fait carrière essentiellement à Dijon connu en tant que professeur de Rude et de Prud'hon, a été membre de La Concorde (Dijon) entre 1802 et 1811.
Jean-Baptiste Greuze (Tournus 1725-Paris, 1805) a appartenu à la loge des Neuf Sœurs* entre 1778 et 1783.
Per Hali (Boras,1739 Liège, 1793), peintre suédois établi en France vers 1760, reconnu pour sa grande maîtrise de la miniature, admiré par Diderot, a été membre des Amis Réunis* de 1778 à 1784.
Philippe Hennequin (Lyon, 1763-Belgique, 1833), peintre spécialisé dans les sujets mythologiques et allégoriques, prix de Rome et pensionnaire de l'École de France dans cette ville y a aussi fondé La Reundon des Amis. Il figure également parmi les affiliés de l'atelier parisien Le Bon Zele.
Jean Houel (Rouen, 1735-Paris, 1813), membre de l'Académie Royale de Peinture, paysagiste et auteur de scènes de genre, illustrateur important (il doit sa no toriété aux 264 planches de son ouvrage Voyage pittoresque des lies de Sicile, de Malte et de Lipan, publié en 4 volumes entre 1782 et 1787), a fréquenté Les Neuf Sœurs (1783-1784).
Jean-Baptiste Isabey (Nancy, 1767-Paris 1855), professeur de l'impératrice MarieLouise, proche de l'Empereur (il peignit plusieurs portraits de lui et offrit l'un d'eux à sa loge, Saint-Napoléon) et par ailleurs conservateur adjoint des Musées royaux (admis à l'honorariat en 1830) a non seulement fréquenté Saint-Napoléon mais a également été membre des Amis Réunis en 1789.
Nicolas Jeaurat de Bertry (Paris, 1728-Vermenton, 1798), peintre de natures mortes et portraitiste, admis à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture en 1756 a été membre des Cœurs Simples de l'Étoile Polaire (1771-1778), où il a cotoyé sans doute des artistes contemporains comme Chalgrin, Pajou, ou Wailly.
Amnand Leveque (1889 1945), estampeur victime du nazisme* et de Vichy*, mort en déportation (camp de Halberstadt), a ap partenu à la loge pansienne Droit et Justice. François Ménageot (Londres 1744-Paris 1816) peintre d'histoire et de scènes mythologiques, grand prix de peinture en 1756, reçu à l'Académie en 1777, puis à l'Académie des Beaux-Arts en 1780, directeur de l'Académie de France à Rome en 1787 et membre de l'h1stitut sous l'Empire*, a été initié au sein de Saint-Jean d'Écosse du ContratSocial (1778).
Jean Michel Moreau dit le Jeune (Paris 1741-1814), frère de Louis{iabriel dit l'Aîné qui est l'éléve de Le Lonrain et de Legas, membre de l'Académie Royale de Peinture (1789) et de la Commission des arts (1793). professeur à l'École centrale (1797), auteur de scènes officielles et de genre illustrateur des Chansons de Laborde et des Œuures de Rousseau, a appartenu aux Neuf Sceurs (1778) et à Saint-Jean d'Écosse du Contrat Social ( 1778-1779).
Pierre Prud'hon (Cluny, 1758 Paris, 1823), élève de Devosges, membre de l'Académie des beaux-arts, dont les œuvres les plus célèbres sont exposées au Louvre (dont L'lmpérutnce Josephine) ou au Metropolitan Museum de New York (L'Assomption), a certainement été initié dans une loge bourguignonne (il a visité La Bienfaisance, de Beaune, dont on suppose qu'il a été membre).
Hubert Robert (Paris, 1733-1808), membre de l'Académie de peinture (1766), conservateur du musée du Louvre, a appartenu aux loges Les Amis Réunis (17731784), L'Olympique de la Parfaite Estime, La Société olympique.
Les Vernet sont une famille de peintres et de francs-maçons de père en fils tels les Taskin* et les Piccini pour la musique. Claude Joseph, le premier d'entre eux (Avignon, 1714-Paris, 1789), lui-même fils d'un peintre et décorateur (Antoine Vernet, 1689-1753), peintre du roi spécialisé dans les paysages, conseiller de l'Académie Royale en 1766, a été membre des Neuf Sœurs, de L'Olympique de la Parfaite Estime, et de La Société Olympique (1786). Son fils, Antoine Charles dit Carle (Bordeaux, 1758 Paris, 1836), prix de Rome en 1782 puis compagnon du Premier Consul en Italie* admis à l'lnstitut en 1810, auteur de L'Enfant prodigue (1782) et du Matin d'Austerlitz (1808), est entré en maçonnerie en 1786 où il a fréquenté les mêmes loges que son père et son beau-père (Jean-Michel Moreau dit le Jeune): Saint-Jean d'Écosse du Contrat Social et Les Neuf Sœurs. Enfin, Horace Emile (Paris, 1789-1863), fils du précédent qui, après des débuts difficiles en raison de ses convictions bonapartistes, est devenu célèbre par la commande d'un portrait de Charles X et d'un plafond pour le Louvre (1825), directeur de l'Académie de France à Rome, reçu à l'Académie des Beaux-Arts en 1826, a accédé au 33° degré et été membre du Suprême Conseil de France.
Frédéric (dit Fred) Zeller, plus près de nous, né en 1912 (Paris) connu comme Grand Mâître du Grand Orient de France*, mais aussi artiste peintre de renommée mondiale, auteur du livre Trois Points c'est tout, dont la publication en 1976 lui valu d'être suspendu est incontestablement une personnalité marquante de l'histoire maçonnique contemporaine. Initié en 1953 dans la loge L'Avant-Carde Maçonnique, il s'implique rapidement dans l'organisation de son obédience*. Fondateur d 'Humanisme (revue du Grand Orient de France), il préside le Congrès des loges maçonniques de 1964. Membre du Conseil de l'Ordre puis Grand Maître Adjoint, il fut Grand Maître de 1971 à 1973.
Ch. N.